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"KAISAPOLYBLOG" " BLOGGLOBTROTTEUR "
10 mars 2013

RDC: FALSIFICATION DE LA CONSTITUTION

Que reste-t-il de l’article 220 de la Constitution?
  
Baudouin Amba Wetshi

 
Les membres de la Conférence des Evêques du Congo 
«La forme républicaine de l’Etat, le principe du suffrage universel, la forme représentative du gouvernement, le nombre et la durée des mandats du Président de la République, l’indépendance du Pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical, ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle. Est formellement interdite toute révision constitutionnelle ayant pour objet ou pour effet de réduire les droits et libertés de la personne, ou de réduire les prérogatives des provinces et des entités territoriales décentralisées». Telle est la stipulation de l’article 220 de la Constitution du Congo-Kinshasa, promulguée le 18 février 2006. 

Dans le mémorandum que la Conférence des Evêques du Congo a adressé à «Joseph Kabila» en date du 22 février dernier – en prévision des « concertations nationales» en préparation -, les prélats catholiques ont fait un diagnostic de la situation générale du pays tout en formulant des propositions. 

On retiendra qu’ils se disent opposés «à toute tentative de modification de l’article 220 ». Ce «point» est considéré, à tort à raison, comme étant le verrou devant barrer la route à toute «révision inopportune» de la Loi fondamentale. Que reste-t-il de cet article qui n’est plus, en réalité, qu’une coquille vide dans ce Congo démocratique ou le Calife du moment se comporte en « chef » omnipotent au point d’être confondu avec l’Etat? Que reste-t-il de ce texte au moment où le «clan kabiliste» détient la majorité tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat ? Les "curés" ne sont-ils en retard d’une histoire en criant aux loups de manière tardive ?

Après vingt-cinq années d’exercice d’un pouvoir absolu, le président Mobutu Sese Seko décidait en janvier 1990 - suite à la chute du Mur de Berlin et le vent de démocratisation ayant emporté les « démocraties populaires » de l’Europe orientale - d’organiser des «consultations nationales». Les citoyens, organisés en groupe socioprofessionnel, étaient invités à procéder à une «évaluation» du fonctionnement des institutions de l’Etat. A l’époque, le Mouvement populaire de la révolution, parti-Etat, constituait l’unique institution du pays. Les trois pouvoirs traditionnels étaient ramenés au rang d’«organes» du parti unique. Président-fondateur du MPR, Mobutu concentrait tous les pouvoirs entre ses mains. Rien d’étonnant que les mémorandums rédigés à cet effet prennent la tournure d’un réquisitoire à l’encontre du régime qu’il incarnait.

Un des mémorandums sortait du lot. Il s’agit de celui des fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères. Les rédacteurs de ce document dénonçaient notamment l’absence de séparation des Pouvoirs entraînant la concentration de ceux-ci entre les mains d’un seul homme. La suite est connue. Lors de son discours du 24 avril 1990, Mobutu annonce la fin du parti-Etat et le retour au pluralisme démocratique. 

Lors des travaux de la Conférence nationale souveraine (CNS), les participants ont procédé à une «relecture», sans concession, de l’Histoire du pays depuis la proclamation de l’indépendance. Les débats ont quelquefois pris la tournure d’un «tribunal populaire». Pour faire échec aux démons du passé, les « conférenciers » décidèrent de lever l’option en faveur de l’avènement d’un nouvel ordre politique fondé sur deux piliers : la démocratie et le respect des droits de l’Homme. La «guerre des chefs» et la lutte pour le pouvoir vnt paralyser la vie politique jusqu’à la prise du pouvoir par l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre), avec à sa tête Laurent-Désiré Kabila.
falsification
Les nouveaux maîtres du pays ont commis l’erreur historique de ne pas tenir les promesses annoncées pour justifier le sens de leur combat. A savoir : abattre la dictature de Mobutu et instaurer l’Etat de droit. A la surprise générale, le nouveau régime a brillé par l’arbitraire avec pour point culminant la suspension des activités des partis politiques et des arrestations et détentions arbitraires. Les résolutions de la CNS, elles, sont passées par pertes et profits. Les Zaïrois, rebaptisés Congolais, étaient toujours et encore demandeurs d’un Changement. D’où le lancement en novembre 1998 notamment du Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba. Il faut dire que RCD (Rassemblement congolais pour la démocratie) a vu le jour trois mois auparavant suite à la rupture entre LD Kabila et ses ex-parrains ougandais et rwandais.

Lors de la signature, à Lusaka, en juillet 1999, de l’Accord de cessez-le-feu qui porte le nom de la capitale zambienne, les parties ont arrêté l’idée de la tenue d’un Dialogue Inter-congolais devant aboutir non seulement à la «réconciliation nationale» mais aussi à l’instauration d’un «nouvel ordre politique». Il s’agissait d’ouvrir une nouvelle page de l’Histoire politique du pays en tournant définitivement le dos aux régimes autoritaires tant de la IIème République que des «libérateurs» du 17 mai 1997. 

On ne le dit pas assez. Les Congolais veulent entretenir un nouveau type de rapports avec l’Etat. Des rapports fondés sur le respect mutuel et le bien commun. Existe-t-il un peuple qui souhaite être dirigé par un tyran ? La réponse tient en un mot : Non !

Les constituants du 18 février 2006 se sont montrés attentifs aux aspirations de la population congolaise à plus de liberté ainsi qu’à une amélioration des conditions sociales. Quelques préoccupations majeures ont guidé leurs pas. A savoir notamment : l’alternance démocratique, la lutte contre l’impunité, la bonne gouvernance, le fonctionnement harmonieux des institutions et la préservation de l’Etat de toute tentative de dérive dictatoriale. L’article 220 sera formulé comme précité dans le but de mettre la jeune Constitution congolaise à l’abri des «aléas de la vie politique et les révisions intempestives». L’objectif consistait à décourager tout "candidat dictateur". Les mauvaises habitudes ont la peau dure.

Que reste-t-il de cet article 220 sept années après la promulgation de la Constitution ?

Sur papier, rien n’a changé. En fait, tout a changé. A titre d’exemple, le principe du suffrage universel est toujours consacré. Sauf que le vote du citoyen a perdu sa valeur en tant que «dernier mot». Les puissants du moment gardent toute la capacité de tripatouiller les résultats du vote au gré de leurs intérêts et de ceux de leurs amis. Les élections présidentielle et législatives du 28 novembre 2011 en témoignent. Que dire du Pouvoir judiciaire ? L’appareil judiciaire est inféodé au pouvoir politique en général et de l’institution président de la République en particulier. Quid du pluralisme politique? Celui-ci est simplement inexistant. On assiste une «tyrannie majoritaire» qui s’illustre par la confiscation des médias d’Etat par la mouvance kabiliste. Celle-ci a peur de la confrontation des opinions. Alors que toute démocratie renvoie avant tout au sens du dialogue. Pire, les opposants politiques sont traités en « subversifs ». Il en est de même des activistes des droits humains. 

C’est un secret de Polichinelle de souligner ici que l’actuel locataire du Palais de la nation et ses séides caressent l’ambition secrète d’amender l’article précité. Les Evêques ont été bien inspirés de tirer la sonnette d’alarme. Et après ? Quels sont les moyens de pression dont disposent-ils pour faire échec à l’appétit gargantuesque du pouvoir qui étreint un «Joseph Kabila» qui rêve d’une "Présidence à vie"? L’opposition des Evêques à toute modification de l’article 220 ne constitue-t-elle pas un reveil tardif de la part d’une Eglise qui a cessé depuis belle lurette de jouer son rôle de premier contre-pouvoir face au tyranneau au pouvoir?
Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant 2003-2013

 

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