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28 mai 2014

L'après Kadhafi: Véritable purgatoir libyen

Libye : le « coup d’Etat » du général Hifter

khalifa-hifter

Le général Khalifa « Hifter » ou « Haftar », 71 ans - appelons-le Hifter, car c’est le nom inscrit sur sa carte d’identité aux Etats-Unis (1) - cherche à s’emparer du pouvoir en Libye. Pour l’heure, il tente d’unifier des forces plus ou moins pro-occidentales opposées au chaos provoqué par la chute du colonel Kadhafi. Il a derrière lui des militaires voulant imposer un nouvel ordre dans le pays et, ce n’est pas rien : l’Egypte du maréchal Sissi, l’Arabie saoudite, les Emirats Arabes Unis… et bien évidement : les Etats-Unis et des pétroliers occidentaux. La France serait dans l’expectative. En janvier dernier, l’amiral Edouard Guillaud, alors chef d’état-major des armées, préconisait le déclenchement d’une intervention militaire internationale dans le « trou noir » libyen, mais il ajouté qu’il fallait d’abord « qu’il y ait un État dans le Nord » (2). Ce serait le cas si le général Hifter l’emportait. Pour l’instant, Laurent Fabius semble jouer la carte Abdelhakim Belhadj, ancien émir du Groupe islamique combattant en Libye (GICL) – soutenu par le Qatar, dit-on - qui demeure « l’homme fort » de Tripoli. C’est du moins l’impression donnée, début mai, par ses rencontres discrètes avec la sous-direction Afrique du Nord du Quai d’Orsay (3).

Les pays arabes appuyant l’« Opération Dignité » lancée par le général Hifter sont ceux engagés dans l’éradication des Frères Musulmans égyptiens dont on dit qu’ils auraient constitué une « Armée égyptienne libre » en Libye. L’homme d’affaire Ahmed Miitig, 30 ans, élu chef du gouvernement libyen le 4 mai ne fait pas le poids, sauf dans son fief à Misrata et parmi les représentants du Parti de la justice et de la reconstruction, émanation locale de la confrérie. Une intervention militaire ordonnée par Abdelfattah Sissi devenu président n’est pas à exclure. Quand le bruit a couru que le maréchal avait déclaré que l’armée égyptienne pouvait « envahir l’Algérie en trois jours », les islamistes libyens ont compris qu’ils étaient visés.

Jeune militaire, Hifter a participé au renversement du roi Idriss 1er par les Officiers libres du colonel Mouammar Kadhafi. Frais émoulu d’une académie militaire soviétique, il commanda plus tard une des équipées libyennes au Tchad où, battu en 1987 à Ouadi-Doum par les troupes d’Hissène Habré - soutenues par des parachutistes français et des forces spéciales étasuniennes - il est fait prisonnier. Sachant le sort qui lui serait réservé s’il retournait à Tripoli – Kadhafi ne reconnaissant pas sa part de responsabilité dans la défaite militaire – il se mit, avec 2000 de ses hommes, au service de la CIA pour renverser le régime libyen. C’était l’époque où les Etats-Unis envisageaient une opération du genre Contras contre Kadhafi. Elle n’eut jamais lieu. Hifter s’installa alors en Virginie, à deux pas du siège de la CIA, à la tête d’un groupe d’opposants baptisé « Front national pour le salut de la Libye (FNSL)». Selon le Washington Post, il aurait acquis la nationalité américaine et voté à des élections en Virginie en 2008 et 2009 (4). En dépit d’une arrivée triomphale en mars 2011 à Benghazi (5), on ne peut pas dire que sa participation au renversement de Kadhafi ait été déterminante. Hifter n’a pas tenu longtemps comme chef d’état-major de l’armée et son fils, chargé des relations avec l’Otan, a échappé de justesse au mitraillage d’un commando berbère (6).

Khalifa Hifter aura patienté vingt-quatre ans pour accéder aux portes du pouvoir en Libye. Il n’est pas dit qu’il les franchisse ou qu’il parvienne à neutraliser les organisations islamiques prêtes à lui livrer une guerre sans fin. Pour l’instant, son « Armée nationale libyenne (ANL) » n’est qu’une milice de plus. Au cas où son « coup d’Etat » tournerait mal, 250 Marines et 7 avions hybrides Osprey positionnés sur la base de Sigonella, en Sicile, interviendraient pour évacuer les ressortissants américains !

Gilles Munier

Photo : Le général Khalifa Hifter

 

France-Irak Actualité

Analyses, informations et revue de presse. La situation en Irak, au Proche-Orient et du Golfe arabe à l'Atlantique.

La CIA aux commandes de l’armée libyenne

Publié par Gilles Munier sur 21 Novembre 2011, 05:21am

Catégories : #CIA

   Le 17 novembre, environ 150 officiers et sous-officiers de l’armée libyenne, ayant rejoint les rebelles, se sont réunis Al-Baïda (200 km à l’est de Benghazi), et ont nommé Khalifa Belkacem Haftar – ou Hifter –,  colonel pro-américain (formé en URSS) comme chef d’Etat-major de l’armée « en raison de son ancienneté, de son expérience, de sa capacité à diriger et des efforts qu’il a déployés pour la révolution du 17 février».  

   Ce coup de force a  provoqué la colère de l’Union des thowar de Libye qui regroupe une trentaine de milices rebelles refusant de déposer les armes, mais qui ne s’entendent pas toutes entre elles. Certaines, notamment de Zenten et du Djebel Nefoussa, remettent également en cause la nomination de Abdelhakim Belhaj, ancien dirigeant du Groupe islamique de combat libyen (GICL) parachuté par le Qatar à la tête du Conseil militaire de Tripoli. Le général Soleiman Mahmoud, proche du général Abdel Fattah Younès  - issu de la même tribu - assassiné l’été dernier, a accusé l’émirat du Golfe de soutenir le courant islamiste et de chercher à « acheter » les Libyens.

Concernant le colonel Haftar, lire « A CIA commander for the Libyan rebels » par Patrick Martin, paru le 28 mars dernier sur World Socialist Web Site * :

   Traduction : Le Conseil National Libyen, l’organisation basée à Benghazi qui parle au nom des forces rebelles qui luttent contre le régime de Kadhafi, a désigné un collaborateur de longue date de la CIA pour diriger ses opérations militaires. Le choix de Khalifa Hifter, un ancien colonel de l’armée libyenne a été signalé jeudi par McClatchy Newspapers, et le nouveau chef militaire a été interviewé par un correspondant d’ABC News dimanche soir.

   Hifter, dont l’arrivée à Benghazi avait été rapportée pour la première fois le 14 mars par Al- Jazeera, a fait l’objet le 19 mars d’un portrait flatteur dans le Daily Mail, un tabloïd britannique farouchement belliciste. Le Daily Mail présentait Hifter comme une des « deux étoiles militaires de la révolution » qui « est rentré récemment d’exil en Amérique pour apporter une certaine cohérence tactique aux troupes rebelles au sol. » Le journal n’évoquait pas ses liens avec la CIA.

Il vivait  aux Etats-Unis

à une dizaine de kilomètres

du siège de la CIA

   McClatchy Newspapers a publié un profil d’Hifter ce dimanche. Intitulé « Le nouveau chef rebelle a passé une bonne partie des 20 dernières années dans une banlieue en Virginie, » l’article note qu’il avait été auparavant un officier supérieur du régime de Kadhafi jusqu’à « une aventure militaire désastreuse au Tchad à la fis des années 1980. »

Hifter avait ensuite rejoint l’opposition à Kadhafi puis finalement émigré aux Etats-Unis où il a vécu jusqu’à ces dernières semaines qui ont vu son retour en Libye pour prendre le commandement de Benghazi.

   Le profil par McClatchy concluait, « Depuis son arrivée aux Etats-Unis au début des années 1990, Hifter a résidé dans une banlieue de Virginie aux environs de Washington DC. ».  Il citait un ami qui « disait ne pas trop savoir comment Hifter subvenait à ses besoins, et qu’Hifter s’occupait d’abord d’aider sa grande famille. »

   Pour ceux qui savent lire entre les lignes, c'est une indication à peine voilée du rôle d’Hifter en  tant qu’agent de la CIA. Comment en effet, un ancien officier supérieur de l’armée libyenne a-t-il pu entrer aux Etats-Unis au début des années 1990, seulement quelques années après l’attentat de Lockerbie, puis s’installer près de la capitale fédérale, sans l’accord et l’aide active des services de renseignements US ? Hifter a vécu en fait pendant une vingtaine d’années à Vienna en Virginie, à seulement une dizaine de kilomètres du siège de la CIA à Langley.

   La CIA était bien au courant des activités militaires et politiques d’Hifter. Un article du Washington Post du 26 mars 1996 parle d’une rébellion armée contre Kadhafi en 1996 et écrit son nom dans une transcription différente. L’article cité des témoins selon qui la rébellion a pour « chef le colonel Khalifa Iftar  [et est] une organisation du type « contra » basée aux Etats-Unis et appelée Armée Nationale Libyenne. »

Création d’une milice du genre contra

   La comparaison est faite avec les forces terroristes “contra” financées et armées par le gouvernement des Etats Unis dans les années 1980 contre les autorités sandinistes au Nicaragua. Le scandale Iran-Contra, qui avait secoué l’administration Reagan en 1986-87, concernait la mise au jour de ventes illégales d’armes US à l’Iran, dont le produit servait à financer les contras au mépris d’une interdiction par le Congrès. Les parlementaires Démocrates avaient couvert le scandale et rejeté les appels à une procédure d’impeachment contre Reagan pour avoir financé les activités d’une illégalité flagrante ourdies par une brochette d’anciens agents des services secrets et de conseillers à la maison Blanche.

   Un livre publié par Le Monde Diplomatique en 2001 : Manipulations Africaines, fait remonter la relation avec la CIA encore plus loin, en 1987, signalant qu’Hifter, alors colonel de l’armée de Kadhafi, avait été capture au Tchad où il combattait avec une rébellion soutenue par la Libye contre le gouvernement d’Hissène Habré, soutenu par les Etats-Unis. Il fit défection pour le Front National de Salut Libyen (FNSL), la principale force d’opposition à Kadhafi, qui avait le soutien de la CIA. Il organisa sa propre milice qui opéra au Tchad jusqu’à la déposition d’Hissène Habré en 1990 par Idriss Déby, son rival appuyé par la France.

   Selon ce livre, « la force de Haftar, créée et financée par la CIA au Tchad, disparut dans la nature avec l’aide de la CIA peu de temps après le renversement du gouvernement par Idriss Déby. » Le livre cite aussi un rapport du service de recherche du Congrès daté du 19 décembre 1996, selon lequel le gouvernement des Etats-Unis apportait une aide militaire et financière aux membres du FNSL qui avaient été repositionnés aux Etats-Unis.

   Ces informations sont accessibles à tous ceux qui se livrent à une recherché même superficielle sur Internet, mais elles n’ont pas été relayées par les médias contrôlés par les grands groupes, hormis une dépêche de McClatchy qui évite toute référence à la CIA. Les chaînes de télévision,  trop occupées à faire l’éloge des « combattants de la liberté » de l’est libyen, ne se  sont pas fatiguées à signaler que ces forces étaient désormais commandées par un collaborateur de longue date des services de renseignements des Etats-Unis.

   Pas plus que n’en ont tenu compte ceux qui parmi les libéraux ou la“gauche” s’enthousiasment pour l’intervention des Etats Unis et de l’Europe en Libye. Ils sont trop occupés à saluer l’administration Obama pour son approche multilatérale et « consultative » de la guerre, présumée être différente de l’approche unilatérale à la « cowboy » de l’administration Bush en Irak. Que le résultat soit le même – mort et destruction qui s’abattent sur la population, la souveraineté et l’indépendance d’un pays anciennement colonisé foulées aux pieds – ne signifie rien pour ces thuriféraires de l’impérialisme. 

   Le rôle de Hifter, présenté à juste titre il y a 15 ans comme le chef d’une “organisation du genre contra”, montre quelles sont les véritables classes sociales à l’oeuvre dans la tragédie libyenne. Quelle que soit l’authenticité de l’opposition populaire qui s’est exprimée dans la révolte initiale contre la dictature corrompue de Kadhafi, la rébellion a été détournée par l’impérialisme.

   L’intervention de l’Europe et des Etats Unis en Libye n’a pas pour but d’apporter la “démocratie” et la “liberté” mais d’installer au pouvoir des pantins de la CIA qui dirigeront le pays aussi brutalement que Kadhafi, tout en permettant aux puissances impérialistes de piller les ressources pétrolières du pays et de se servir de la Libye comme base d’opérations contre les révoltes populaires qui soufflent sur le Moyen Orient et l’Afrique du Nord.

Traduction : Moubabil al- Djazaïri – Titre et intertitres : AFI-Flash

 

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