A treize mois de la présidentielle en République démocratique du Congo, les autorités
de Kinshasa ont annoncé samedi soir la démission du président de la commission chargée
d'organiser ces élections que, soupçonne l'opposition, le pouvoir voudrait retarder.
L'abbé Apollinaire Malu-Malu Muholongu a présenté "sa démission de ses fonctions de
président de la Céni" (Commission électorale nationale indépendante) au président de
la République Joseph Kabila, "pour raisons de santé" et celui-ci en a "pris acte",
selon un communiqué de la présidence de la République lu à la télévision publique.
La Céni est composée de membres représentatifs de diverses composantes
de la population congolaise. Selon le communiqué officiel lu à la télévision,
M. Kabila demande à la société civile, dont était "issu" l'ecclésiastique
quinquagénaire, de se réunir "pour désigner son remplaçant".
Cette démission est "un nouveau coup de tonnerre dans le paysage
" politique congolais, a rapidement réagi sur son compte
Twitter Olivier Kamitatu, un des dirigeants du G7, groupe de
sept partis récemment passés à l'opposition en septembre en
accusant M. Kabila de chercher à se maintenir au pouvoir coûte que coûte.
Le député Samy Badibanga, chef du premier groupe parlementaire
d'opposition (UDPS et alliés) à l'Assemblée nationale ne se montrait
pas étonné samedi de cette démission, notant auprès de l'AFP que
l'abbé Malu-Malu "était indisponible depuis un bon moment".
" il était l'expert attitré de la Céni", a ajouté l'opposant en faisant
allusion au fait que l'abbé était crédité d'avoir organisé en 2006 les
premières élections libres depuis l'indépendance du pays en 1960,
au sortir de deux guerres ayant ravagé le pays entre 1996 et 2003.
L'abbé dirigeait alors la Commission électorale indépendante (CEI),
qui devait se faire déconsidérer cinq ans plus tard sous la houlette
d'un autre président, lepasteur Daniel Ngoyi Mulunda, et pousser
à la création de la Céni et au rappel de l'abbé Malu-Malu, devenu
entre-temps conseiller du président Kabila.
Pour M. Badibanga, la démission de l'abbé Malu-Malu, "va compliquer
les choses" alors que le temps est compté pour organiser la prochaine
présidentielle dans les délais prévus par la Constitution et que le fichier
électoral issu de la présidentielle et des législatives de 2011 est jugé
totalement "corrompu" par l'opposition et que l'enrôlement des nouveaux
majeurs est au coeur des enjeux.
Soigné en Afrique du sud pour une maladie non précisée, l'abbé M M
était absent de la scène publique depuis des mois. Il avait fait une brève
apparition en avril pour une conférence de presse où il était apparu fort
affaibli, coiffé d'une casquette pour dissimuler la cicatrice d'une opération
chirurgicale.
Compte tenu de ce que l'on savait de son état de santé, "tout laisse à croire
qu'on a voulu gagner du temps" en le maintenant en place, estime M. Badibanga.
La RDC traverse une crise politique depuis la réélection contestée de M. Kabila
en 2011 lors d'élections entachées de fraudes massives. Aucun des scrutins
qui devaient être organisés depuis lors ne s'est tenu.
M. Kabila dirige la RDC depuis 2001 et la Constitution lui interdit de se représenter
en 2016, mais l'opposition le soupçonne de manœuvrer pour se maintenir au pouvoir
au-delà de la fin de son mandat, qui s'achève en décembre 2016, quitte à retarder
les élections.
En septembre, une décision de la Cour constitutionnelle a rendu caduc le calendrier
électoral de la CENI qui prévoyait la tenue d'une succession de scrutins jusqu'à
la présidentielle de novembre 2016.
Le climat politique est très tendu en RDC à l'approche de la fin du mandat de M.
Kabila. Mercredi, l'ONU, qui dénonce depuis plusieurs mois une multiplication des
arrestations d'opposants, a exhorté Kinshasa à permettre la tenue d'élections
législatives et présidentielle "crédibles" en novembre 2016.
Pour les opposants, l'indisponibilité de l'abbé Apollinaire Malu-Malu
(issu de la société civile) laissait le champ libre au parti de M. Kabila, le Parti du
Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD) à travers son délégué, le
premier vice-président de la commission.